3. L'écoute active

Rédigé le 24/07/2025
JC CASALEGNO


1. Carl Rogers : l’écoute comme fondement de la relation humaine

Carl Rogers (1902–1987), psychologue humaniste, a profondément renouvelé notre manière de penser la relation d’aide. Son approche, centrée sur la personne, repose sur la conviction que tout individu possède en lui un potentiel de croissance, à condition d’être accueilli dans un climat de confiance, de respect et d’authenticité.

Trois attitudes sont au cœur de son approche :
- L’écoute empathique : comprendre le vécu de l’autre de l’intérieur, en adoptant son point de vue sans s’y perdre.
- L’acceptation inconditionnelle : accueillir l’autre tel qu’il est, sans jugement ni condition préalable.
- La congruence : être soi-même dans la relation, exprimer avec justesse ce que l’on ressent, sans jouer de rôle.

Rogers n’a pas seulement influencé la psychologie. Son influence s’étend à l’éducation, à la relation de soin, mais aussi – et c’est moins connu – à la vie des groupes et des organisations. Selon lui, les collectifs croissent eux aussi à partir d’un climat relationnel fondé sur la confiance, l’écoute et la sécurité psychologique.

2. De la direction à la facilitation : vers une autorité délibérative

Dans le prolongement de cette pensée, une nouvelle forme d’autorité émerge dans le champ managérial : l’autorité délibérative. Elle ne s’appuie ni sur la contrainte, ni sur le charisme, mais sur la capacité à faire dialoguer, à réguler, à créer les conditions d’un engagement libre et lucide.
Le manager-facilitateur est à la fois présent et discret : il structure les échanges sans les diriger, il régule les tensions sans imposer de solutions, il soutient la parole sans la capter. Son autorité vient de la qualité de la relation qu’il instaure.

Cette posture s’aligne parfaitement avec les principes rogériens :
- Il pratique l’écoute active comme compétence centrale.
- Il adopte une posture non jugeante et accueillante vis-à-vis de la diversité des points de vue.
- Il incarne une présence congruente, qui rend son autorité légitime sans être autoritaire.

3. L’écoute active : une compétence-clé pour les managers-facilitateurs

L’écoute active est l’un des piliers de cette posture. C’est une manière consciente, intentionnelle et bienveillante d’écouter une personne ou un groupe, visant à comprendre non seulement ce qui est dit, mais aussi ce qui est ressenti ou sous-entendu.

Contrairement à l’écoute passive (entendre sans s’impliquer) ou directive (interpréter, conseiller trop vite), l’écoute active valorise la parole de l’autre en lui offrant un miroir compréhensif, sans projection.

Ses objectifs principaux :
- Montrer que la personne a été entendue dans les faits ET dans ses émotions.
- Clarifier les malentendus et reformuler pour aider à penser.
- Créer un espace de confiance propice au dialogue authentique.

4. Les étapes de l’écoute active :

1. Écouter sans interrompre → Laisser l’autre s’exprimer librement, sans précipiter de réponse.
2. Reformuler avec ses propres mots ce que l’on a compris → Ex. « Si je te comprends bien, tu ressens… parce que… »
3. Valider l’émotion exprimée ou sous-jacente → Ex. « Ça a dû être frustrant… » ou « J’entends que c’est important pour toi. »
4. Vérifier la compréhension en posant une question ouverte → Ex. « Est-ce que c’est bien cela que tu voulais dire ? »

Loin d’être une simple technique, cette pratique transforme la qualité des relations dans les collectifs. Elle permet une co-construction des décisions, une gestion non violente des conflits, et une reconnaissance mutuelle des vécus. Autant d’éléments clés pour faire émerger une intelligence collective réellement opérante.

Conclusion : l’écoute, une nouvelle manière d'occuper la fonction d'autorité   ?

Repenser l’autorité à partir de Carl Rogers, c’est accepter que le pouvoir ne se joue plus dans le contrôle, mais dans la relation. C’est affirmer que la capacité à écouter sincèrement, à créer un espace où chacun peut exister, est une forme puissante de leadership – exigeante, mais profondément féconde.
Dans un monde incertain, traversé par les paradoxes et la complexité, cette posture d’autorité délibérative devient une ressource stratégique. Elle ne promet pas la performance immédiate. Mais elle prépare les conditions de la cohésion durable, de la créativité partagée, et de la dignité au travail.